Grains La crise du logement
La grève des cheminots et les crues ont mis à mal la logistique des grains dans les régions enclavées, où les stocks sont encore importants.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Les trois mois de grève à la SNCF ont mis à mal la logistique française de transport des céréales… qui n’est peut-être pas encore au bout de ses peines. Alors que le calendrier de l’intersyndicale avait fixé le dernier jour de grève au 28 juin, plusieurs syndicats envisagent de poursuivre le mouvement en juillet. « Pour l’instant, il est difficile de mesurer les conséquences de ces grèves sur le bilan français des céréales », confie Rémi Haquin, président du conseil spécialisé pour la filière céréalière chez FranceAgriMer.
L’impact de l’annulation des trains est, en effet, très variable selon la situation géographique des organismes stockeurs (OS). Les plus enclavés pâtissent de cette situation du fait de la surcharge du transport routier et peinent à vider leurs silos. « Les problèmes sont localisés dans le Centre, le sud du Bassin parisien, le nord de la Bourgogne et l’Auvergne », indique Sébastien Poncelet, directeur du cabinet Agritel. Entre 40 et 60 % des trains auraient été annulés. Les difficultés étant concentrées, les transporteurs affichent complet et font monter les prix. Or, un train de 1 300 tonnes, ce sont environ 45 camions, et autant de chauffeurs à trouver.
Silos engorgés
Quant aux péniches, leur activité a été pénalisée par les dernières crues et par la vétusté des écluses. Pour certains collecteurs, c’est la double peine. Chez Soufflet par exemple, 45 % du transport à Rouen passe par le fluvial, 10 % par le ferroviaire. « Nous n’avons pas pu reporter la totalité de ces volumes sur le routier », expose Christophe Malvezin, directeur des relations extérieures de l’entreprise. Le négoce prévoit un stock de report de 500 000 t de grains, soit deux fois plus qu’une année normale. Et à quelques semaines de la nouvelle récolte, le collecteur craint un engorgement des silos et demande la mise en place de mesures d’exception (lire l’encadré).
Même son de cloche à la SCA Bonneval, dans l’Eure-et-Loir, pour qui la situation va être « très très très tendue » en termes de capacité de stockage. La coopérative annonce un stock de report en hausse de 30 % par rapport à une année normale, et peu de marge de manœuvre, étant donné que les adhérents allotent déjà une partie de leurs blés destinés à la meunerie. « Nous ne pouvons pas leur demander de stocker plus que d’habitude », explique-t-on à Bonneval.
Dans ce contexte, les collecteurs sont obligés de faire du « dégagement moisson » (vente de l’ancienne récolte juste avant la nouvelle), à un prix plus bas. Le surcoût lié à la livraison par camion, combiné à la nécessité de « brader » une partie de la marchandise pour faire de la place, entraîne des pertes conséquentes. Soufflet chiffre cet impact à « au moins 15 €/t sur l’ensemble de la filière », en raison du retard de chargement des navires, des frais d’immobilisation des wagons et du coût du stockage.
Outre le transport, un autre facteur a contribué à l’engorgement des silos : les volumes mis en dépôt par les agriculteurs. À fin avril, le stock de blé tendre en dépôt chez les OS était de 1 million de tonnes, selon FranceAgriMer. La raison tient en grande partie aux cours bas des céréales. « On observe une inflexion depuis 2015, les volumes stockés ont tendance à augmenter, fait savoir Ludovic Pâris, délégué de FranceAgriMer pour la filière céréalière. Les agriculteurs gardent leur marchandise plus longtemps pour la mettre sur le marché au moment opportun. C’est un phénomène que l’on voyait moins avant ».
Exports dynamiques
Cependant, avec la hausse des prix du blé tendre survenue ces dernières semaines, « les agriculteurs ont vendu tous leurs stocks », assure Didier Nedelec, directeur général d’ODA. « Les problèmes sont vraiment localisés, renchérit Sébastien Poncelet, d’Agritel. Si on prend du recul, on voit qu’avril a été le meilleur mois en termes d’export de blé vers l’UE depuis 2000, alors que c’était le plus gros mois de grève de la SNCF ! » FranceAgriMer maintient ainsi sa prévision d’exportation du blé tendre vers l’Union européenne à plus de 9 Mt, et celui vers les pays tiers à 8,4 Mt. Quant au stock final de report au 30 juin, il est prévu à un volume très (trop ?) bas de 2,6 Mt, contre 2,9 Mt en 2017 et 3,3 Mt en 2016. « Il cache toutefois de grandes disparités régionales et pourrait bien être modifié si les prévisions d’exportations sont revues à la baisse », tempère Coop de France.
Le phénomène de remplissage des silos a aussi été observé en blé dur dans le sud de la France, non pas en raison des grèves, mais à cause du marché. « Ce marché est fermé depuis l’automne dernier, constate Sébastien Poncelet. Il y a eu beaucoup de difficultés à l’écouler. »
Heureusement, des débouchés s’ouvrent vers l’Italie, qui a mis en place « un programme d’importation de volumes européens à la place des importations pays tiers », informe Didier Nedelec. Cependant, les inquiétudes montent pour la prochaine récolte, qui sera peut-être difficile à écouler en raison de la forte pression des maladies (lire l’encadré) qui compromet la qualité. Dans le Sud-Ouest, les opérateurs envisagent déjà de séparer les blés de maïs, plus sensibles à la fusariose. De nouveaux défis logistiques s’annoncent…
Pour accéder à l'ensembles nos offres :